Pathologie - Toxicologie
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Toxicocinétique - Métabolisme [3, 7]
L’acide salicylique est largement absorbé par les voies orale et cutanée. Une fois dans l’organisme, il se distribue rapidement dans les fluides corporels et tous les tissus, en particulier dans le foie et les reins. Au niveau du foie, la substance est métabolisée en acide salicylurique et autres composés conjugués, éliminés presque uniquement dans les urines.
Chez l'animal
Absorption
L’acide salicylique est rapidement absorbé par voie orale.
In vitro, son absorption à travers la peau de rat est d’environ 20 % sur une période de 24 heures et de 35-40 % à travers la peau de cochon [8].
Lors d’une étude in vivo, 4 µg/cm² d’acide salicylique ont été appliqués exactement au même endroit sur l’abdomen de singes Rhésus (avec acétone) soit une seule fois, soit tous les jours pendant 14 jours. Après une seule application, l’absorption percutanée est estimée à environ 59 % ; le pourcentage varie de 67 à 78 % après l’application répétée d’acide salicylique.
Distribution
Il est rapidement distribué dans la plupart des tissus.
Métabolisme
La métabolisation de l’acide salicylique se déroule dans le foie, les principaux enzymes impliqués étant les cytochromes P450 et des transférases (enzymes de phase 2, glucuronyle transférases).
Chez le rat, l’acide salicylique est métabolisé en acide salicylurique et acide glucurono-salicyle, en métabolites oxydés (acide 2,3-dihydroxybenzoïque et acide 2,5-dihydroxybenzoïque ou acide gentisique) et d’autres composés conjugués [9].
Excrétion
Chez le rat, les métabolites et l’acide salicylique inchangé sont rapidement éliminés, presque totalement, dans les urines. Suite à l’administration orale d’une dose unique de 5 ou 50 mg/kg pc, le composé est excrété principalement inchangé et sous forme d’acide salicylurique, et dans une moindre mesure, sous forme de métabolites oxydés ou autres composés conjugués [9].
Moins de 1 % de la dose initiale est retrouvé dans la bile (sous forme inchangée), dans l’air exhalé sous forme de CO2 ou dans les fèces [9]. L’excrétion est quasi-totale en 24 heures.
Chez l'Homme
L’absorption percutanée de l’acide salicylique est de l’ordre de 50 % de la dose appliquée dans les études in vitro réalisées (exposition pendant 8 ou 24 heures, condition occlusive) ; in vivo, les pourcentages obtenus dépendent du véhicule utilisé, du pH et des conditions d’application (dose unique ou doses répétées, pansement occlusif). Ainsi, l’application sur l’avant-bras de volontaires de 4 µg/cm² pendant 24 heures (aucun pansement, acétone) entraine une absorption percutanée de l’ordre de 22 % ; lorsque le véhicule utilisé est l’éthanol, le pourcentage est de 6,5 % (environ 40 µg/cm², pendant 24 heures, aucun pansement). L’acide salicylique est absorbé par voie orale, avec plus de 80 % d’une dose ingérée sous forme de comprimé retrouvé dans les urines [10].
Il se distribue largement dans tous les tissus : les plus fortes concentrations sont mesurées dans le foie et les reins. Cinquante à 80 % de l’acide salicylique présent dans le plasma est lié à l’albumine et à d’autres protéines.
Comme chez l’animal, l’excrétion est presque exclusivement urinaire et rapide (24 heures maximum). Le principal métabolite urinaire identifié chez l’Homme est l’acide salicylurique ; les acides 2,3-dihydroxybenzoïque et 2,5-dihydroxybenzoïque (ou acide gentisique) sont retrouvés en faible proportion.
Toxicité expérimentaleToxicité expérimentale
L’acide salicylique est modérément toxique par voie orale ; par voies cutanée ou respiratoire, sa toxicité aiguë est faible. C’est un irritant oculaire sévère ; au niveau cutané, il n’est ni irritant ni sensibilisant. Très peu d’études de toxicité chronique sont disponibles pour cette substance ; seuls des effets locaux sont rapportés suite à des applications répétées sur la peau de lapins. D’après les études existantes, l’acide salicylique n’est pas mutagène ; il ne semble pas présenter de potentiel cancérogène. Aucune donnée n’est disponible concernant ses effets sur la fertilité. Concernant le développement, les premiers effets se produisent en l’absence de toxicité maternelle ; les doses les plus élevées, toxiques pour les mères, entrainent des malformations fœtales, des résorptions et une mortalité périnatale.
Toxicité aiguë [3, 8]
La DL50 orale de l’acide salicylique est comprise entre 500 et 2000 mg/kg pc chez le rat ; les signes de toxicité rapportés sont une hypoactivité, une faiblesse ou une raideur musculaire. Les autopsies des animaux décédés pendant l’étude ont révélé une inflammation du tractus gastrointestinal.
Par voie cutanée, la DL50 chez le lapin est supérieure à 2000 mg/kg pc. Aucun effet local n’est rapporté chez les animaux exposés.
Par inhalation, la CL50 chez le rat est supérieure à 0,9 mg/L ; les animaux exposés pendant 1 heure présentent une salivation excessive, un écoulement nasal et un larmoiement 15 à 30 minutes après l’exposition.
Irritation, sensibilisation
L’acide salicylique n’est pas irritant pour la peau de lapin ; en revanche, il induit une irritation sévère et irréversible des yeux de lapin.
Aucune sensibilisation cutanée n’est mise en évidence dans les tests réalisés (LLNA, Buehler et modélisation QSAR).
Toxicité subchronique, chronique [11]
Par voie orale, l’administration répétée pendant 28 jours dans la nourriture n’entraine aucun effet chez le rat, même à la plus forte dose testée (237 mg/kg pc/j).
Par voie cutanée, seule une irritation est observée suite à l’application répétée de la substance, sur la peau intacte de lapins (application de 0-10-20-40 ou 120 mg/kg, 7 h/j, 5 j/sem). À la plus forte dose, un érythème léger à modéré, une desquamation, des fissures, un œdème et une atonie légère à modérée apparaissent au niveau du site d’application. Après 91 jours, la sévérité et la fréquence d’hyperkératoses, d’acanthoses et d’inflammation cutanée sont les plus importantes à 120 mg/kg.
Effets génotoxiques [3, 11]
In vitro
L’acide salicylique donne des résultats négatifs dans les tests d’Ames réalisés, avec et sans activation métabolique. De même, il n’induit pas de mutation génique sur cellules de mammifères (cellules ovariennes de hamster).
In vivo
De même, aucune augmentation du nombre d’aberrations chromosomiques ou d’échanges de chromatides sœurs n’est détectée chez des souris exposées par voie intra-péritonéale ou orale.
Effets cancérogènes [7, 8]
Aucune étude n’a été réalisée avec l’acide salicylique.
Des études de cancérogénicité ont été réalisées pour les effets de l’acide acétylsalicylique chez la souris et le rat, par voie orale, et donnent des résultats négatifs. A partir de ces résultats, l’acide salicylique, métabolite de l’acide acétylsalicylique, est considéré comme dépourvu de potentiel cancérigène.
Effets sur la reproduction [8]
Aucune donnée n’est disponible concernant les effets sur la fertilité de l’acide salicylique. Concernant le développement, les premiers effets se produisent en l’absence de toxicité maternelle ; les doses les plus élevées, toxiques pour les mères, entrainent des malformations fœtales, des résorptions et une mortalité périnatale.
Fertilité
Aucune étude n’est disponible avec l’acide salicylique. Cependant, des études réalisées avec l’acide acétylsalicylique et le salicylate de sodium, substances rapidement converties en acide salicylique après ingestion, ne mettent en évidence aucun effet sur la fertilité des animaux exposés.
Développement
Les effets sur le développement de l’acide salicylique ont été étudiés chez le rat. Les animaux ont été exposés à des concentrations croissantes de substance dans la nourriture (0,06 - 0,1 - 0,2 et 0,4 % équivalent à environ 51 - 75 - 165 et 206 mg/kg pc/j, du 8e au 14e jour de gestation). Aucune toxicité maternelle ou fœtale n’est rapportée aux 2 plus faibles doses testées. À 165 mg/kg pc/j, des anomalies fœtales et un retard de croissance sont observés sans toxicité chez les mères : diminution du poids des fœtus et de la taille de la queue, 3,8 % des fœtus avec des anomalies externes et 14,6 % avec des anomalies squelettiques. À la plus forte dose testée, ont été rapportés :
- Chez les mères, une diminution du poids corporel, une baisse du poids de l’utérus et du placenta ;
- Chez les fœtus, des résorptions et une importante mortalité périnatale (environ 72 %), une augmentation de la fréquence des anomalies complexes (absence de fermeture du crâne, absence de fermeture du tube neural, oligodactylie…) et un retard de croissance.
Toxicité sur l’HommeEn milieu professionnel, seuls les effets d’irritation et les allergies sont documentés. L’exposition à des aérosols d’acide salicylique peut ainsi être responsable d’effets locaux se traduisant par des signes d’irritation des muqueuses oculaires, respiratoires et digestives. Des dermatites de contact d’irritation ou allergiques, ainsi que des urticaires sont possibles lors d’expositions cutanées répétées.
Des intoxications systémiques graves, parfois mortelles sont bien documentées dans le cadre de mésusages ou de prises volontaires de médicaments salicylés à doses supra-thérapeutiques, par voies digestive ou cutanée. Le tableau clinique de l’intoxication aiguë comprend principalement des effets neuro-sensoriels, respiratoires et digestifs qui s’associent à des perturbations biologiques touchant notamment l’équilibre acido-basique, l’agrégation plaquettaire, ainsi que la fonction rénale. Dans les formes les plus graves, s’associent à ce tableau un coma, des convulsions, une hyperthermie et une acidose métabolique profonde pouvant conduire au décès par défaillance multi-viscérale.
Il n’y a pas de donnée sur les potentiels effets à long terme, notamment concernant la génotoxicité, la cancérogénicité et la toxicité pour la reproduction de l’acide salicylique dans le cadre d’expositions professionnelles. Cependant, l’acide salicylique est un anti-inflammatoire non stéroïdien, et un métabolite des médicaments salicylés, susceptibles d’entraîner des effets ototoxiques, de porter atteinte de façon réversible à la fertilité féminine, de conduire à une mort fœtale in utero en cas d’exposition au cours du 3e trimestre de la grossesse, ou à une intoxication chez l’enfant allaité par une mère fortement exposée.
Toxicité aiguë
- Effets locaux
L’acide salicylique est très irritant pour les yeux et irritant pour les muqueuses respiratoires et digestives. Dans une étude ancienne, des opérateurs exposés à une poudre contenant de l’acide salicylique ont rapporté des signes d’irritation des muqueuses oculaires et des voies aériennes supérieures pour des concentrations atmosphériques de l’ordre de 70 µg/m3 [1, 12, 13].
Il n'y a pas de donnée adéquate permettant d'évaluer son éventuel caractère irritant cutané.
Des cas de dermatite de contact allergique et d’urticaire sont rapportés chez des professionnels de santé qui appliquent des topiques et pansements en contenant. La dermatite allergique liée aux salicylés peut parfois revêtir un aspect purpurique [14].
- Effets systémiques
Il n’y a pas à ce jour d’intoxication systémique par l’acide salicylique rapportée en milieu professionnel. En revanche, de nombreuses intoxications, parfois mortelles, ont été décrites à la suite d’ingestions suicidaires d’aspirine, dont l’acide salicylique est le métabolite. Des atteintes systémiques ont également été rapportées lors de l’application de topiques contenant des salicylés, appliqués sur une peau lésée ou sur une surface cutanée étendue.
Les premiers symptômes d’une intoxication aiguë systémique sont respiratoires (hyperventilation), neurosensoriels (acouphènes, vertiges, confusion, baisse de l’acuité auditive) et digestifs (nausées, vomissements). Dans les cas sévères, peuvent survenir des atteintes cliniques et biologiques variées : délire, convulsions, dyspnée, sueurs, hyperthermie, œdème pulmonaire lésionnel, insuffisance rénale, atteinte hépatique, arythmie cardiaque et finalement coma et collapsus cardiovasculaire. Des troubles de l’agrégation plaquettaire et une baisse du taux de prothrombine peuvent également être présents [2, 15, 16].
Toxicité chronique
Il n’a pas été rapporté, à ce jour, de cas d’intoxication chronique à l’acide salicylique en milieu professionnel. En revanche, des tableaux d’intoxication systémique (neurosensoriels, respiratoires et cardiovasculaires) ont été observées consécutivement à une exposition chronique, par voie orale ou cutanée, dans le cadre d’usage ou de mésusage de médicaments, dont il est le métabolite, comme l’aspirine ou le méthylsalicylate [2].
L’ototoxicité de l’aspirine a fait plus particulièrement l’objet de recherches. À des concentrations sériques de salicylate correspondant à des doses thérapeutiques, ont été observés des déficits auditifs partiels et des acouphènes, réversibles à l’arrêt du traitement [17].
Effets génotoxiques
Aucune étude de génotoxicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de mise à jour de cette partie.
Effets cancérogènes
Aucune étude de cancérogénicité chez des travailleurs n’a été identifiée à la date de mise à jour de cette partie.
Effets sur la reproduction
Il n’y a pas, à ce jour, de donnée de toxicité pour la reproduction de l’acide salicylique en milieu professionnel. Cependant, il est utile de considérer les données de pharmacovigilance relatives à l’aspirine (qui est métabolisée en acide salicylique) et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS, famille à laquelle l’acide salicylique appartient), qui objectivent un risque pour la fertilité féminine, pour le développement du fœtus et celui de l’enfant allaité par une mère traitée, dans certains scénarios d’exposition. Ces médicaments partagent un même mécanisme d’action, en diminuant la synthèse des prostaglandines via l’inhibition de la cyclooxygénase COX2.
- Fertilité féminine
Les AINS peuvent altérer la fertilité féminine de façon réversible. Le mécanisme évoqué est une anovulation par non-rupture du follicule mâture [18 à 20].
- Développement
Les effets de l’aspirine sur le développement varient selon le terme et la dose. S’il n’est pas retenu de risque de malformation en cas d’exposition au premier trimestre, une prise unique à dose antalgique à partir de 24 semaines d'aménorrhée (début du 6e mois) peut être fatale. De plus, le risque d’accident aigu augmente avec l’avancée du terme. Les organes cibles sont le canal artériel (constriction partielle ou totale) et la fonction rénale (oligamnios, anurie...).
Il est admis que l’utilisation de l’aspirine, à visée anti-agrégante plaquetaire (jusqu’à 300 mg/jour) est possible tout au long de la grossesse, de principe à la posologie efficace la plus faible possible [21].
- Allaitement
Le traitement par aspirine, à dose supérieure à 2 grammes par jour, engendre chez l’enfant des concentrations sanguines proches des concentrations thérapeutiques. L’allaitement est donc contre-indiqué dans cette situation [22].
Une observation d’acidose métabolique chez une enfant de 16 mois, dont la mère consommait de l’aspirine avant le début des symptômes, a été attribuée à une intoxication aux salicylates via l’allaitement maternel [23].
Cohérence des réponses biologiques chez l'Homme et l'animal