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Phosgène

Fiche toxicologique n° 72

Sommaire de la fiche

Édition : Juin 2025

Pathologie - Toxicologie

  • Toxicocinétique - Métabolisme [9, 10]

    Absorbé par voie respiratoire, le phosgène est hydrolysé au niveau pulmonaire en dioxyde de carbone et chlorure d’hydrogène ; l’excrétion se fait par voie exhalée essentiellement sous forme de CO2.

    Absorption, distribution, métabolisme et excrétion

    Aucune étude de toxicocinétique n’est disponible chez l’animal ou chez l’Homme.

    Le phosgène est hydrolysé en chlorure d’hydrogène et en CO2 au niveau des voies respiratoires supérieures. Ses propriétés chimiques (hydrophobie, faible solubilité dans l’eau) lui permettent de résister à sa dégradation dans les voies aériennes supérieures et d’atteindre le tractus respiratoire profond (bronchioles et alvéoles).  

    Compte tenu de la forte affinité du phosgène pour le tissu pulmonaire et des réactions s’y produisant, aucun effet systémique n’est observé [11, 12].

    Mode d'actions

    Le phosgène est toxique par le chlorure produit et, sur­tout, par son action acylante envers une grande variété de nucléophiles tels que les groupements -NH, -SH ou -OH des constituants de la barrière air-sang. Il réagit également avec des macromolécules comme les enzymes, les protéines ou autres phospholipides polaires entrainant la formation d’adduits qui peuvent alors interférer avec les fonctions moléculaires [13]. Une modification du contenu en glutathion (GSH) endogène et en enzymes antioxydantes (GSH-peroxydase, GSH-réductase, glucose-6-phosphate-déhydrogénase et superoxyde-dismutase) apparaît chez le rat 1 à 2 jours après exposition à une concentration minimale de 0,1 ppm pendant 4 heures.

    Ces modifications enzymatiques sont semblables à celles observées après exposition à des gaz oxydants, comme l’ozone ou le dioxyde d’azote. Bien que le mécanisme soit différent (acylation contre oxydation), le résultat biolo­gique est similaire : lésion, réparation et afflux cellulaire (granulocytes neutrophiles) [14].

  • Toxicité expérimentale
    Toxicité aiguë [15]

    Ce gaz provoque une forte irritation de la peau, des yeux et des voies respiratoires, pouvant aller jusqu'à l'œdème pulmonaire. Les contacts cutanés et oculaires avec les formes liquides provoquent de graves brûlures.

    La létalité du phosgène est fonction de la concentration et du temps d’exposition. La CL50 peut être exprimée en fonction de ces deux facteurs. Les CL50 déterminées chez le rat et la souris pour 4 heures d’exposition sont respectivement de 2,1 et 3,9 ppm [16].

    Dans toutes les espèces, le poumon est la cible majeure. À faible concentration, les modifications pathologiques des bronchioles terminales et des alvéoles sont typiques d’une irritation pulmonaire, alors qu’à concentration plus élevée, les lésions pulmonaires modifient les échan­ges gazeux et conduisent à la mort. L’étude anatomo­pathologique des poumons montre que la première altération est une vacuolisation des cellules de l’épithé­lium des bronchioles terminales, représentant probable­ment le début de la formation d’un œdème dans ces cellules. L’œdème s’étend avec le temps, devient septal extracellulaire puis intracellulaire, avec pour conséquence la lyse cellulaire et la nécrose. Pendant la période suivant l’exposition, le septum s’épaissit, quelques cellules de type II développent un œdème cellulaire, des cellules de type I sont lysées localement et du liquide apparaît dans les alvéoles. Les cellules interstitielles semblent être très sen­sibles aux effets de l’œdème. En phase terminale, une substance ressemblant à de la fibrine se dépose dans les espaces alvéolaires provoquant une anoxie létale.

    Le phosgène affecte les poumons du rat, du hamster et de la souris à partir de 0,2 ppm, le lapin et le cobaye sont concernés à partir de 0,5 ppm [17].

    Chez le rat, une exposition à 0,5 ppm pendant 4 h provoque une baisse de l’immuno-compétence pul­monaire mesurée par l’activité NK (Natural Killer) des cel­lules pulmonaires. Il n’y a pas d’effet observé lors d’une exposition à 0,1 ppm pendant 4 heures, cependant, à cette concentration, on note une baisse du taux de pro­staglandines E2 et de leucotriènes ainsi que du nombre de macrophages alvéolaires. La résistance à l’infection bacté­rienne, la clairance pulmonaire des bactéries et la résis­tance au développement de tumeurs pulmonaires, après injection de cellules tumorales, sont diminuées par une exposition au phosgène (souris, 0,025 ppm pendant 4 h) [18].

     

    Irritation, sensibilisation [15]

    Sous forme liquide, le phosgène est corrosif pour la peau et les yeux ; sous forme gazeuse, il est fortement irritant pour la peau, les yeux et le tractus respiratoire. Il n’y a pas d’étude de sensibilisation.

    Toxicité subchronique, chronique

    L'exposition répétée par inhalation entraine une atteinte respiratoire inflammatoire à l'origine de bronchites, d'emphysème ou d'œdème pulmonaire, et des effets sur le système immunitaire.

    Les espèces exposées à 0,2 ppm, 5 h/j pendant 5 j (souris, rat, cobaye, lapin, chat et chèvre) présentent, en majorité, un œdème pulmonaire léger, sans létalité associée ; des lésions plus importantes (œdème sévère, bronchite aiguë et régénération bronchique) sont observées chez 6 ani­maux sur 54. Une exposition de ces mêmes espèces à 1,1 ppm, 5 h/j pendant 5 j, induit une létalité importante (90 % des souris, 10 % des lapins, après 48 h) et des modi­fications pulmonaires (œdème chez 95 % des animaux dont 27 % d’intensité sévère) [19].

    Des rats (0,25 ppm, 4 h/j, 5 j/sem, 17 j) présentent une augmentation du poids des poumons, du contenu en groupements sulfhydryles non protéiques et de l’activité glucose-6-phosphate-déhydrogénase après 7 jours d’exposition. L’examen microscopique du tissu pulmonaire après 17 jours d’expo­sition révèle une accumulation modérée multifocale de cellules mononucléaires dans la partie centro-acineuse [20]. Des chiens présentent une bronchiolite chronique oblitérante après 4 à 10 expositions (24 à 40 ppm pendant 30 min, 1 à 3 fois/sem), et un emphysème pulmonaire après 30 à 40 expositions ; les fonctions pulmonaires ne sont pas revenues à la normale 13 semaines après l’expo­sition.

    Une exposition répétée courte (moins de 7 jours) au phos­gène induit une tolérance vis-à-vis d’expositions ulté­rieures, non seulement au phosgène en concentrations plus élevées, mais aussi à d’autres gaz irritants comme l’ozone ou le dioxyde d’azote [21]. Cette tolérance est liée à un mécanisme d’action commun, l’afflux de granulocy­tes neutrophiles dans les poumons qui jouent un rôle pro­tecteur [22] ; par contre, elle peut provoquer des modifications pulmonaires chroniques irréversibles, comme l’emphysème ou la fibrose [23].

    Des effets sur le système immunitaire sont rapportés chez le rat (0,1 ou 0,2 ppm, 6 h/j, 5 j/sem, pendant 4 ou 12 semaines) et sont à l’origine d’une augmentation de leur susceptibilité aux infections qui persiste dans le temps. Les animaux exposés aux 2 doses présentent une diminution de la résistance aux bactéries (streptocoques) avec atteinte des macrophages alvéolaires, une modification de la clairance des bactéries et une augmentation du nombre de leucocytes dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire [24].

    Effets génotoxiques

    Il n'y a pas donnée suffisante permettant de conclure sur la génétoxicité de cette substance.

    In vitro

    Seul un test d’Ames est négatif avec et sans activation métabo­lique sur S. typhimurium TA98 et TA100.

    In vivo

    Aucune donnée n’est disponible in vivo à la date de publication de mise à jour de cette partie.

    Effets cancérogènes

    Aucune donnée n'est disponible chez l'animal à la date de mise à jour de cette partie.

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n’est disponible chez l'animal à la date de mise à jour de cette partie.

  • Toxicité sur l’Homme

    L’inhalation de phosgène produit une forte irritation des voies respiratoires avec un risque d’œdème lésionnel dans les 48 heures suivant l’exposition. Des séquelles bronchiques sont possibles. Les contacts avec la peau et les yeux induisent de graves lésions. L'inhalation répétée peut provoquer une atteinte pulmonaire. Les données identifiées à la date de mise à jour de cette partie ne permettent pas de conclure quant à la génotoxicité, la cancérogénicité ou la reprotoxicité du phosgène chez l’Homme.

    Toxicité aiguë

    Le phosgène est une substance puissamment irritante pour les muqueuses oculaires et respiratoires. Il provoque une forte irritation cutanée.

    Les intoxications qui surviennent après inhalation évoluent généralement en trois phases [25 à 29] :

    • La première correspond à une irritation oculaire et/ou rhinolaryngée (décrite généralement à partir de 3 ppm) accompagnée de toux, parfois de nausées, de vomisse­ments et de douleurs épigastriques. Il peut y avoir une anesthésie de la perception olfactive.
    • Ces phénomènes, qui doivent attirer l’attention, sont suivis d’une phase de latence avec rémission de durée variable, pouvant attein­dre 24 à 36 heures.
    • Enfin, une phase d’aggravation secondaire avec œdème pulmonaire peut survenir.

    Ces effets régressent le plus souvent en 1 à 2 semaines. Cependant, certaines intoxications sont mortelles. D’autres intoxications peuvent conduire à des séquelles pulmonaires invali­dantes (ex : hyperréactivité des voies aériennes). Une pneumopathie bactérienne peut également survenir suite à l’inhalation de phosgène [25].

    Dans le cas d’une inhalation massive (typiquement au-delà de 200 ppm), une détresse respiratoire mortelle peut survenir sans l’observation des trois phases décrites ci-dessus.

    L’intensité des effets et leur cinétique d’apparition sont liées à la concentration (pour les effets immédiats), et à la dose (pour les effets différés) [25, 30].

    Les intoxications peuvent être dues à l’inhalation de phos­gène produit lors de la décomposition thermique d’hydro­carbures halogénés. Par cette voie, il suffit de faibles concentrations (de l’ordre de 1 ppm) pour provoquer des effets pulmonaires sévères.

    Les projections cutanées ou oculaires de phosgène liquide peuvent être source de graves brûlures. Les lésions oculai­res peuvent être irréversibles avec atteinte de la cornée (opacification, perforation) voire symblépharon (adhérence entre la paupière et le globe oculaire) [30].

    Une irritation conjonctivale survient aussi après exposition ocu­laire avec le gaz ; un réflexe de fermeture des yeux (blépharospasme) inter­vient lors de ces contacts [31].

    Toxicité chronique

    Les conséquences d’une exposition chronique au phos­gène sont peu documentées. Des cas d’emphysème et d’altération de la fonction respiratoire ont été décrits chez des travailleurs exposés de façon chronique au phosgène [26, 32].

    Effets génotoxiques

    Aucune donnée n’est disponible chez l’Homme à la date de mise à jour de cette partie.

    Effets cancérogènes

    Il n’a pas été trouvé de données permettant de conclure sur la cancérogénicité chez l’Homme à la date de mise à jour de cette partie.

    Effets sur la reproduction

    Aucune donnée n’est disponible chez l’Homme à la date de mise à jour de cette partie.

  • Cohérence des réponses biologiques chez l'Homme et l'animal
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