Recommandations
Lorsque l'emploi du mercure ou de ses composés minéraux est techniquement indispensable, l'exposition des travailleurs doit être réduite au niveau le plus bas possible. Des mesures très strictes de prévention et de protection adaptées au risque s'imposent lors du stockage et de la manipulation de ces substances ou des préparations les contenant.
Etant donné les utilisations actuelles fortement réduites ou interdites du fulminate de mercure et de l'oxydicyanure de dimercure(II), les recommandations techniques suivantes ne prennnent pas en compte le risque d'explosion très important pour ces deux substances et devront donc être complétées en cas de stockage et de manipulation de ces composés.
Au point de vue technique
Information et formation des travailleurs
- Instruire le personnel des risques présentés par le mercure et ses composés minéraux, des précautions à observer, des mesures d’hygiène à mettre en place ainsi que des mesures d’urgence à prendre en cas d’accident.
- Prévoir l'installation de douches. Observer une hygiène corporelle et vestimentaire très stricte : lavage soigneux des mains (savon et eau) après manipulation et changement de vêtements de travail. Ces vêtements de travail sont fournis gratuitement, nettoyés et remplacés si besoin par l’entreprise. Ceux-ci sont rangés séparément des vêtements de ville. En aucun cas les salariés ne doivent quitter l’établissement avec leurs vêtements et leurs chaussures de travail.
- Ne pas fumer, vapoter, boire ou manger sur les lieux de travail.
- Lutte contre l'incendie : former les opérateurs aux risques et aux conditions particulières d'intervention liées à la toxicité du mercure et de ses composés minéraux.
Manipulation
- N’entreposer dans les ateliers que des quantités réduites de ces substances et ne dépassant pas celles nécessaires au travail d’une journée.
- Éviter tout contact de produit avec la peau et les yeux. Éviter l’inhalation de vapeurs et d'aérosols. Effectuer les opérations en système clos ou dans une enceinte fermée ou capter les émissions au plus près de leur source conformément à la réglementation en vigueur [61].
- Réduire le nombre de personnes exposées au mercure et à ses composés minéraux.
- Éviter tout rejet atmosphérique de mercure et de ses composés minéraux.
- Faire évaluer annuellement l’exposition des salariés au mercure présent dans l’air par un organisme accrédité et s’assurer du respect de la valeur limite d’exposition professionnelle réglementaire et faire évaluer annuellement l’exposition des salariés aux composés bivalents du mercure présents dans l’air par un organisme accrédité, sauf dans le cas où l’évaluation des risques a conclu à un risque faible (§ Méthodes d’évaluation de l’exposition professionnelle).
- Au besoin, les espaces dans lesquels la substance est stockée et/ou manipulée doivent faire l’objet d’une signalisation [62].
- Ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du mercure ou ses composés minéraux sans prendre les précautions d’usage [63].
- Supprimer toute source d’exposition par contamination en procédant à un nettoyage régulier des locaux et postes de travail (se reporter à la partie "En cas d'urgence").
Équipements de Protection Individuelle (EPI)
Leur choix dépend des conditions de travail et de l’évaluation des risques professionnels. Une attention particulière sera apportée lors du retrait des équipements afin d’éviter toute contamination involontaire. Ces équipements seront éliminés en tant que déchets dangereux [64 à 67].
- Appareils de protection respiratoire : si un appareil filtrant peut être utilisé, il doit être muni d’un filtre de type HgP3 lors de la manipulation du mercure et de ses composés minéraux [68].
- Gants : dans le cas du mercure, les matériaux préconisés pour un contact prolongé sont les suivants : les caouchoucs butyle, naturel, néoprène et nitrile, le poly(chlorure de vinyle), les élastomères fluorés Viton® et Viton® /Caoutchouc butyle et les matériaux multicouches AlphaTec® 02-100 et Silver Shield® (PE/EVAL/PE) [69, 70].
- Vêtements de protection : quand leur utilisation est nécessaire (en complément du vêtement de travail), leur choix dépend de l’état physique de la substance. Seul le fabricant du vêtement peut confirmer la protection effective d’un vêtement contre les dangers présentés par la substance. Dans le cas de vêtements réutilisables, il convient de se conformer strictement à la notice du fabricant [71].
- Lunettes de sécurité : la rubrique 8 « Contrôles de l’exposition / protection individuelle » de la FDS peut renseigner quant à la nature des protections oculaires pouvant être utilisées lors de la manipulation de la substance [72].
Stockage
- Stocker le mercure et ses composés minéraux dans des locaux frais et sous ventilation mécanique permanente. Tenir à l’écart de la chaleur et des surfaces chaudes.
- Le stockage du mercure et ses composés minéraux s'effectue habituellement dans des récipients en acier inoxydable ou en polyéthylène haute densité. Le verre épais est également utilisable pour les petites quantités. L'aluminium, le zinc et le cuivre sont à éviter. Dans tous les cas, il convient de s’assurer auprès du fournisseur de la substance ou du matériau de stockage de la bonne compatibilité entre le matériau envisagé et la substance stockée.
- Fermer soigneusement les récipients et les étiqueter conformément à la réglementation. Reproduire l’étiquetage en cas de fractionnement.
- Le sol et les parois des locaux seront imperméables et lisses, exempts de fissures et de joints poreux et formeront une cuvette de rétention afin qu’en cas de déversement, les substances puissent être récupérées.
- Mettre à disposition dans ou à proximité immédiate du local/zone de stockage des moyens d’extinction adaptés à l’ensemble des produits stockés.
- Séparer le mercure et ses composés minéraux des halogènes, des amines, de l'ammoniac et de ses solutions aqueuses... Si possible, les stocker à l’écart des autres produits chimiques dangereux, notamment des produits combustibles.
Déchets
- Le stockage des déchets doit suivre les mêmes règles que le stockage des substances à leur arrivée (§ stockage).
- Ne pas rejeter à l’égout ou dans le milieu naturel les eaux polluées par du mercure ou par ses composés minéraux.
- Conserver les déchets et les produits souillés dans des récipients spécialement prévus à cet effet, clos et étanches. Les éliminer dans les conditions autorisées par la réglementation en vigueur.
En cas d’urgence
- En cas de déversement accidentel de mercure, récupérer la substance avec une raclette, une spatule souple ou un aspirateur spécialement conçu pour l'aspiration du mercure, puis procéder à une décontamination (transformation du mercure métallique en forme n'émettant pas de vapeurs et peu soluble dans l'eau) des surfaces souillées [11, 73].
- Si le déversement est important, aérer la zone et évacuer le personnel en ne faisant intervenir que des opérateurs entrainés et munis d’un équipement de protection approprié. Supprimer toute source d’inflammation potentielle.
- Des appareils de protection respiratoire isolants autonomes sont à prévoir à proximité et à l’extérieur des locaux pour les interventions d’urgence.
- Prévoir l’installation de fontaines oculaires et de douches de sécurité [74].
- Si ces mesures ne peuvent pas être réalisées sans risque de sur-accident ou si elles ne sont pas suffisantes, contacter les équipes de secours interne ou externe au site.
Au point de vue médical
Lors des visites initiale et périodiques
- Rechercher particulièrement lors de l'interrogatoire et l'examen clinique, des antécédents de pathologies respiratoire, neurologique, rénale chroniques, des symptômes d’irritation de la peau et des muqueuses oculaire et respiratoire, des signes d’atteinte du système digestif et du système nerveux central ou périphérique ou évocateurs d’atteinte rénale.
- L'examen clinique pourra être complété par la réalisation d’un bilan rénal qui servira d’examen de référence.
- La périodicité des examens médicaux et la nécessité ou non d’effectuer des examens complémentaires seront déterminées par le médecin du travail en fonction des données de l’examen clinique et de l’appréciation de l’importance de l’exposition.
Fertilité / Femmes enceintes et/ou allaitantes
- L’exposition au mercure des femmes enceintes ou allaitantes est réglementairement interdite. Si malgré tout, une exposition durant la grossesse se produisait, informer la personne qui prend en charge le suivi de cette grossesse, en lui fournissant toutes les données concernant les conditions d’exposition ainsi que les données toxicologiques.
- Des difficultés de conception chez l’homme et/ou la femme seront systématiquement recherchées à l’interrogatoire. Si de telles difficultés existent, le rôle de l’exposition professionnelle doit être évalué. Si nécessaire, une orientation vers une consultation spécialisée sera proposée en fournissant toutes les données disponibles sur l’exposition et les produits.
- Informer les salarié(e)s exposés des dangers de cette substance pour la fertilité et la grossesse et de l’importance du respect des mesures de prévention.
- Rappeler aux femmes en âge de procréer l’intérêt de déclarer le plus tôt possible leur grossesse à l’employeur, et d’avertir le médecin du travail.
Surveillance biologique des expositions professionnelle [75]
- Le mercure total urinaire est un indicateur de l’exposition chronique au mercure, corrélé avec les effets sanitaires neurologiques et rénaux. Le moment de prélèvement est indifférent mais un prélèvent le matin avant le poste est préconisé pour réduire le risque de contamination. Des valeurs biologiques d’interprétation sont établies par plusieurs organismes pour protéger les travailleurs des effets sanitaires. Des valeurs biologiques d’imprégnation en population générale adulte sont également disponibles.
- Le mercure sanguin total est un reflet de l’exposition récente au mercure élémentaire et inorganique (quelques jours) et de l’ingestion de mercure organique, notamment méthylmercure contenu dans les poissons. Cet indicateur est plus influencé par la consommation de poisson que le mercure urinaire. Il peut être intéressant en cas d’exposition accidentelle aiguë. Des valeurs biologiques d’imprégnation en population générale adulte sont disponibles pour cet indicateur.
Conduite à tenir en cas d’urgence
- En cas de projection cutanée ou oculaire, retirer les vêtements souillés et rincer la peau et/ou les yeux immédiatement et abondamment à l’eau courante pendant au moins 15 minutes. En cas de port de lentilles de contact, les retirer pendant le rinçage. Si une irritation oculaire et/ou cutanée apparait ou si la contamination cutanée est étendue ou prolongée, consulter un médecin et/ou un ophtalmologiste.
En cas de blessure ou de souillure d'une plaie avec du mercure, le patient sera transféré à l'hôpital pour décontamination soigneuse et recherche de complications thrombo-emboliques. -
En cas d’inhalation massive, appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime par ambulance médicalisée en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Transporter la victime en dehors de la zone polluée en prenant les précautions nécessaires pour les sauveteurs. Si la victime est inconsciente, sans notion de traumatisme, et respire, la placer en position latérale de sécurité. Si notion de traumatisme, la laisser sur le dos. Si elle ne respire pas, mettre en œuvre les manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, la maintenir au maximum au repos. Si nécessaire, retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et commencer une décontamination cutanée et oculaire (laver immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes).
En cas d’inhalation de mercure ou de ses composés inorganiques, prévenir du risque de survenue d'une bronchopneumopathie chimique retardée de quelques heures. -
En cas d’ingestion d’un sel de mercure, appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime par ambulance médicalisée en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Si la victime est consciente, faire rincer la bouche avec de l’eau, ne pas faire boire, ne pas tenter de provoquer des vomissements. Si la victime est inconsciente, sans notion de traumatisme, et respire, la placer en position latérale de sécurité. Si notion de traumatisme, la laisser sur le dos. Si elle ne respire, pas mettre en œuvre les manœuvres de réanimation.
L’ingestion de mercure métallique justifie également une consultation médicale pour contrôle radiologique pulmonaire en raison du risque de fausse route et des potentielles complications respiratoires associées.